Les émotions ont un grand pouvoir sur notre inconscient, et dans une société de consommation qui s’adonne au culte de l’image il est important de comprendre le fonctionnement des émotions et leur utilité en communication. Première partie…
Je vais survoler « rapidement », et en prenant souvent des raccourcis, quelques domaines dans lesquels les émotions sont utilisées à bon escient : graphisme, publicité, design… Je ne m’attarderai pas sur l’usage des émotions dans la propagande ou la manipulation, leur récupération en politique, ni même leur importance en psychologie.
Dans notre société, la notion de « performance » est pratiquement mise en opposition avec l’affect et l’émotionnel, traditionnellement on évite toute émotion dans les entreprises, l’armée, le sport… Pourtant les grands succès de notre époque concerne des produits (culturels ou de consommation) à forte charge émotionnelle, comment cela est-il possible ?
Les personnages de Star Wars symbolisent d’une certaine façon notre rapport aux émotions
Les chevaliers Jedi ont pour règle numéro 1 : « Ne pas avoir d’émotion, être en paix ».
Ainsi, la raison doit guider leurs actes. Pourtant dans l’épisode II, le jeune Anakin apprenant que sa mère est prisonnière des hommes des sables sur Tatooine, part à son secours mais il arrive trop tard, elle meure dans ses bras. Aveuglé par la douleur, Anakin massacre le camp des Tuskens. Finalement, dominé par l’amour et la haine, il se referme sur lui-même et bascule du côté obscur et pour devenir Dark Vador, seul personnage commun à tous les épisodes de la saga, qui suscite le plus d’émotions en représentant le mal et en servant de ressort à l’intrigue.
Les costumes évoquent (à gauche) l’uniforme nazi et (à droite) une tenue de moine, jouant aussi un rôle émotionnel qui va nous renseigner sur les personnalités de chacun, inspirant basiquement la peur ou la confiance.
Enfin l’épée laser, objet fascinant lors de la sortie du film en 1977, et toujours instantanément associé à la saga, est un exemple de design émotionnel, il a une fonction très clair et un aspect qui a lui seul évoque des technologies futuristes…
Bref, personnes, objets, décors, intrigues, les émotions sont partout
Dexter et Bisounours, deux extrémistes des émotions ?
Dexter et Bisounours ont un point commun : leur narcissisme. Le psychopathe est concentré sur son intérêt personnel, Bisounours est concentré sur son plaisir personnel.
Pourtant si Bisounours est une éponge à émotion, le psychopathe ne peut ressentir d’émotion, en ce sens ils sont opposés.
Mais ce sont là des caricatures, en réalité nous oscillons constamment entre ces deux extrêmes avec plus ou moins d’intensité, devant parfois faire preuve d’empathie et d’autres fois prendre des décisions qui laissant moins de place aux états d’âme.
Par exemple il est possible d’écouter une personne avec attention et approbation tout en pouvant lui exprimer notre désaccord sur un point en particulier.
Bref, tout le monde a des émotions (et les dispositions minimales pour les gérer)
Où étiez-vous le 20 mars 2003 ?
Il est probable que vous n’en savez rien. Le 20 mars 2003, c’est le début de la guerre d’Irak qui a pour particularité d’être le conflit le plus médiatisé. Mais malgré des tonnes d’images (le plus souvent au service d’une propagande US), on a oublié la plupart de ces faits car il se déroulent sur plusieurs années et ne concernent pas tous directement les occidentaux.
En revanche si on vous demande où étiez-vous deux ans plus tôt, le 11 Septembre 2001, il est plus que probable que vous vous en souveniez. Le fait est que l’attaque du 11 Septembre a eu un impact émotionnel extrêmement fort. Prendre quatre avions américains et les jeter sur New-York et le Pentagone, c’est créer une surprise, une peur et une colère (une agression) de forte intensité pour le monde occidental. Et cela a naturellement marqué les esprits.
Bref, les émotions nous aident à mémoriser
Raison et émotion
Depuis l’antiquité les émotions (les passions) sont considérées comme les ennemis de la raison. Les philosophes les considèrent comme des maladies de l’âme, les chrétiens disent qu’elles nous poussent aux pêchés et les adeptes de Bouddha y voient un obstacle au Nirvana.
Mais à partir de 1628, Descartes qui oppose le corps et l’esprit, l’intuition et la déduction, développe l’idée novatrice (et peu chrétienne) que les émotions ne nous poussent pas à la faute, mais à nous satisfaire. Et qu’il faut donc « gérer » ses émotions de manière à les rendre raisonnablement et donc socialement acceptables.
Ne dit-on pas que «l’amour rend aveugle» ou d’une personne distraite «qu’elle est amoureuse…» ce sont là de lourds inconvénients pour Descartes qui préfère que la raison guide ses actes.
Notez bien que cette conception des émotions est celle que nous avons spontanément en tête, 385 ans après.
Palo Alto
À partir du début des années 1950, Palo Alto est le lieu d’un courant de pensée et de recherche en psychologie, sciences de l’information et de la communication intitulé « l’école de Palo Alto ». Ce courant révolutionnera l’étude de la personnalité et du comportement interpersonnel, effectuant une profonde remise en question des fondements de la psychiatrie.
Son postulat de départ : « Il est impossible de ne pas communiquer ».
Bref, à Palo Alto en 1976 fut créée la PNL. Or c’est aussi l’année où Steve Jobs, qui résidait à Palo Alto, créa Apple.
L’inventeur génial et demi-dieu du marketing était un parfait contemporain et un proche voisin de cette « révolution de la communication ». Mais… cette extrême proximité est-elle vraiment fortuite ?
Le mythe du garage, un exemple de storytelling
A 21 ans Steve Jobs crée Apple. Il travaille alors chez Atari et Steve Wozniak chez HP, tous deux ont à leur disposition des moyens (et des bureaux) pour leurs recherches personnelles.
Jobs dira dans ses premières interviews qu’il a conçu le premier ordinateur individuel dans sa chambre. Il corrigera le discours quelques mois plus tard pour dire que tout s’était joué dans le garage de ses parents, une version qu’il conservera toute sa vie et qu’aucun de ses proches ne contredira. Inspiré par les groupes de rock de l’époque, il dira cependant qu’un garage était l’endroit le plus cool pour commencer une aventure comme la sienne.
La véracité de l’histoire n’importe pas, c’est son côté «clé en main» qui compte ici, le très jeune millionnaire qui révolutionne l’informatique dans un garage : un mythe qui survivra à son auteur. Finalement il a réinventé la grange qui a vu naître le Christ.
Le garage Apple, mythe ou réalité ?
Ce qui est certain, c’est que Hewlett-Packard fut la première entreprise connue pour être née dans un garage à Palo Alto, en 1938. La ville de San Francisco compte l’endroit dans son parcours historique car il est reconnu comme étant le berceau de la Silicon Valley.
A Palo Alto on trouve aujourd’hui le siège d’entreprises de pointe comme Facebook, Hewlett-Packard, Tesla…
Bref, «le mythe du garage», remanié par Jobs donnera une portée émotionnelle à ses premiers succès, un socle extrêmement solide sur lequel l’histoire pourra se déployer comme on le sait, au centre même du microcosme des nouvelles technologies. Une histoire qui reflète le talent de Steve Jobs pour maîtriser tous les paramètres concernant ses projets et l’impact qu’il aura globalement sur le marketing (émotionnel).
Le storytelling, c’est fabriquer des histoires à fort pouvoir de conviction.
On dit que pour parler à la tête il faut toucher le cœur parce que les émotions ont le pouvoir de court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus, tout en favorisant l’action et la mémorisation. C’est donc un peu une force, comme celle de Star Wars, avec ses potentiels prodigieux et aussi son côté obscur…
A suivre…
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