Les émotions donnent une dimension supplémentaire à une création, cela passe par un excellent savoir-faire, une idée simple et claire et un minimum d’authenticité…
Tout à l’ego.
Le consommateur est au centre de l’attention des marques, c’est devenu une mission incontournable pour les professionnels du marketing et, dès lors, les témoignages clients apparaissent comme des évidences narratives…
Dans le film ci-dessous, dont la réalisation est magistrale, une large série de personnages au casting très varié raconte en quoi ils ont une double vie… « j’ai commandé des armées » « il m’est arrivé de tuer et pas seulement par self-defense » « j’ai conquis des mondes » « j’ai manqué de respect pour la vie… et la propriété » « je ne regrette rien »…
Du point de vue égocentrique, les dérives sont possibles ainsi la récurrence du “My” comme préfixe et comme Graal de l’attention portée à l’autre, qui s’impose partout et dans tous les domaines : My Whopper, My SFR, My Renault, My Carrefour, My commerce Street…
Pourtant le rôle des marques n’est pas de flatter le Narcisse qui sommeille en nous mais plutôt de délivrer des produits et des services sans faille, en nous racontant des histoires qui nous touchent, nous intéressent et qui font autorité. On doit s’adresser aux gens mais jamais en prenant la parole à leur place ou en leur suggérant ce qu’il doivent penser. Aujourd’hui par nécessité, les marques apprennent à écouter et à laisser dire, ce qui est en soi une révolution. Et parfois elles échouent là où des milliers d’individus réussissent, comme par exemple lorsqu’il s’agit de fédérer une communauté autour d’un sujet…
Voilà une home page qui nous désoriente : « My SFR, Votre blog, SFR et son marché » des rubriques qui parlent à notre place, prenant alternativement le rôle du lecteur ou de la marque… À vouloir me parler de « my SFR », le site me donne l’impression que je ne sais plus qui je suis !
Cette tendance, qui voudrait imiter de bons sentiments, est en réalité un aveu de manque d’imagination. “J’aime ma banque” dit le type de la pub Fortunéo. « Mon banquier c’est moi » dit celui de BforBank. Cette course à la « personnalisation » présente un véritable risque d’indifférence et d’indifférenciation, les gens savent désormais qu’au moindre signe de manipulation il faut fuir !
Lanvin semble franchir toutes les limites avec cette publicité pour un parfum qui s’appelle simplement « Me » et mettant en scène un mannequin qui embrasse son propre reflet !
Le bouleversement sensitif en publicité
En 2003, un collège de publicitaires anglais se réuni pour élire la meilleure publicité du XXe siècle. Comme lorsqu’il est question de rock ou de rugby, les Anglais ne sont jamais ridicules en matière de publicité. Il récompenseront une publicité remarquable et inspirée du tableau de Walter Crane (1893 « Neptune’s Horses »)…
Publicité quasi hypnotique ou les sens se trouvent complètement bouleversés au sens propre comme au figuré. D’abord ce film de 1999, réalisé par Jonathan Glazer commence par un plan fixe de 15 secondes pendant lequel on voit un homme attendre, ce qui est quelque chose d’absolument improbable dans une publicité, on devine alors qu’il est question d’une longue attente.
Ensuite vient le moment attendu, l’action va se déroulée de façon chaotique, avec une bande-son déconnectée des images, un rythme répétitif, très impactant, une voix off qui récite un passage du Mobi Dick d’Herman Melville : « He waits… That’s what he does… And I’ll tell you what; tick followed tock followed tick followed tock followed tick…
Ahab says “I don’t care who you are, here’s to your dream”. The old sailors return to the bar. “Here’s to you, Ahab” and the phat drummer hit the beat with all his heart . Here’s to waiting… »
Et finalement des images surexposées fondue au blanc, des mouvements qui se figent brutalement, la joie, la confusion, l’apaisement. Et encore l’attente…
Les émotions évoquées dans ce film sont multiples et vous les ressentirez différemment si vous êtes Anglais et que le texte d’Herman Melville vous rappelle votre enfance ou bien si vous n’êtes concerné par aucun élément de ce film, mais pensez aux hommes qui attendent qu’un événement positif arrive enfin au cours de leur journée, qui attendent de se retrouver au pub entre amis et qui attendent qu’on leur serve leur bière… regardez le film à nouveau et vous serez probablement touchés par cette étonnante alchimie de narration, d’effets sonores et visuels…
Ce deuxième film est également très fort sur un registre quasi hypnotique avec un joli mix d’image vintages ultra-contrastées et de musique techno… une réalisation culte de Michel Gondry datant de 1995 et primée de nombreuses fois…
Les couleurs et les émotions
Les couleurs expriment une émotion, on le sait. Et si on vous demande d’exprimer une couleur en fonction d’une émotion ? En 2006 le graphiste Orlagh O’Brien a réalisé une petite expérience, s’intéressant à une expression physique (et non intellectuelle) des émotions, indépendamment de tout stéréotype. Il a compilé ses résultats sur le site emotionallyvague.com
Typographie
Double page pour le magazine More par la graphiste Claudia de Almeida
Expérimentation de typographie en papier par la graphiste Kelly Anderson
Lettrage à la craie par Dana Tanamachi
Broderie typo par Maricor Maricar
Ces exemples sont principalement des mix de techniques provoquant un résultat inattendu, mais une émotion plus grande peut être exprimée sur la base d’une idée ou d’un concept simple et pertinant.
C’est le cas avec le titre « Mother And Child » du célèbre graphiste Herb Lubalin.
Humour
Stella Artois (2000) réalisation Jonathan Glazer.
Les émotions dans le web design
En web design les deux principaux vecteurs d’émotions sont :
- l’expérience immersive (grands visuels, grandes videos, grandes typos)
- l’humour sur des pages anecdotiques où on ne veut pas perdre l’attention du visiteur (page de contact, page d’erreur 404 ou récapitulatif de commande…)
Data design
Photographie
Les travaux de Larry Clark jouent avec une ambiguïté : le mélange de situations réelles et de situations parfois mises en scène. Larry Clark publie sa première monographie en 1971. Reconnu comme une personnalité incontournable dans l’histoire de la photo américaine, il n’aura de cesse de photographier des adolescents marginaux, mi-skateurs, mi-punks, avec lesquels il partage des scènes de vie très fortes et très intimes. Les clichés sont crus, il y est question d’alcool, de drogue et de sexe avec un regard intègre et indépendant. Il tourne des films comme Kids, Bully ou Ken Park avec des gens qu’il rencontre dans la rue. C’est le cas avec Harmony Korine, un jeune skateur rencontré lors d’un repérage à New-York à qui il confie le scénario de son film après quelques minutes de discussion. Le côté naturel et spontané de son travail influencera de nombreux autres photographes et réalisateurs dont Spike Jonze ou Ryan Mc Ginley.
Ryan Mc Ginley a également une vie marginale, préférant la vie en roulotte dans la forêt plutôt que celle de New-York dont il est originaire. A 25 ans il est un des plus jeune artiste figurant dans les collections du Musée Whitney des Arts Américains. Ses photos sont d’ordre intimiste et bien que ses amis qu’il photographie soient souvent nus, il n’est pas question de sexe, les choses semblent moins directes, plus subtiles aussi et son travail est plus coloré, plus positif, contrairement à Larry Clark, Ryan Mc Ginley semble être hédoniste.
Cette tendance photographique, mélange d’authentique et de mise en scène inspire Levi’s en 2011 pour sa campagne mondiale « Go Forth » où il est question pour Levi’s de renouer avec l’esprit pionnier. Imaginé par l’agence Wieden + Kennedy, le message est « Your life is your life ». La marque incite donc à vivre pleinement sa vie et décider soi-même ce que l’on veut en faire. La voix off est un passage du poème « The Laughing Heart », lue par son auteur Charles Bukowski. Le film délivre un message fort d’espoir, en phase avec le thème « Now Is Our Time ».
Le photographe John Clang a réalisé une série de portraits mélangeant personnes réelles et projection d’image. En 2013, Skype lui demande une série de clichés et de documentaires mettant en scène des familles vivant aux 4 coins du monde et dont Skype est un lien de proximité. La série est intitulée « the impossible family portrait ».
Gregory Crewdson travail ses photos comme des scènes de tournage cinématographique, créant ainsi des histoires à la Hitchcock en une seule vue…